« Je te dis à ce soir, bisous… » Voilà, les mots qu’a prononcé ma collègue pour terminer la conversation avec son compagnon. Voilà, des petits mots qu’on se dit quand on est en couple, des mots encore, des mots, des grands mots, des petits mots, des mots qu’on empile au fond de sa bibliothèque, des mots qu’on garde au fond de soi, des mots inconscients, des mots puissants, des mots du quotidien, des mots du lendemain, des mots de tous les jours comme disent certains.
Et moi du tréfonds de ma solitude, j’entends ces mots et je me dis que ces mots et bien, je suis plus certain de les entendre. Ça a l’air bête ces petits mots, ça a l’air anodin, ça a l’air même un peu crétin, c’est pas grand chose, c’est pourtant beaucoup.
Quand on vit à deux, on n’y pense pas, ça paraît naturel, on se dit ça, comme ça, comme si de rien n’était, et pourtant, quand on se retrouve seul, on y pense, on aimerait les entendre à nouveau, sentir que c’est naturel, que ça vient tous seul, qu’on a pas à venir chercher ces mots, qu’on a pas à les attendre, qu’ils sont là, qu’ils nous enveloppent et qu’il nous font du bien.
Cinq ans que mes tympans n’ont pas perçus ces moments d’authenticité. Un deuil de plus à mon cimetière… On peut dire que j’en rajoute, que ça va revenir, mais je crois ça vraiment, j’ai le sentiment que revivre ça c’est inconcevable, ce fut un temps, ce fut une histoire, ce fut mon passé.
Oui, j’ai eu des histoires, oui j’ai eu des moments touchants, des moments excitants, mais pas ces moments-là. Des moments simples. Des moments du quotidien, des moments de pause déjeuner, ces moments de réfectoire blanc, au 3° étage, avec vue sur l’aéroport, je vois ma collègue posant son doigt sur le bouton rouge raccrocher, le haut parleur devient muet, l’écran se noircit, cette séquence est finie, je tourne une page de vie….